Suite aux annonces du Ministère de la Transition Écologique, sur le volet de la RE2020, les professionnels du bâtiment ont réagi. S’ils saluent majoritairement le caractère progressif de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation environnementale, ils s’inquiètent des conséquences d’un recours massif au bois dans la construction. Réactions.
Le couperet est tombé. Après des mois de débats, les contours de la réglementation environnementale ont été dévoilés, ce mardi 24 novembre, par le Ministère de la Transition Écologique.
Le texte prévoit notamment un recours massif au bois. Le Ministère estime même que, pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale Bas Carbone, l’usage du bois et des matériaux biosourcés devrait être « quasi-systématique, y compris en structure (gros œuvre) dans les maisons individuelles et le petit collectif », à l’horizon 2030.
La filière bois est-elle prête ?
Cet avantage donné au matériau bois, qui tient entre autres à sa capacité de stocker le carbone tout au long de son cycle de vie, n’a pas manqué de faire réagir les professionnels du bâtiment.
« La trajectoire visant à généraliser à moyen terme l’usage du bois et des matériaux biosourcés pour les maisons individuelles et les petits collectifs semble sous-estimer les délais dans lesquels une telle révolution peut être accomplie, tant par l’outil industriel que par le tissu d’entreprises et d’artisans locaux, a réagi le Pôle Habitat de la FFB.
Un constat partagé par la direction de la FFB : « Si la FFB est favorable à un accroissement de l’utilisation des matériaux biosourcés, elle considère que, compte tenu des parts de marchés actuelles et du manque de visibilité sur les capacités de production françaises, cette trajectoire sous-estime les nécessaires adaptations des différentes filières ».
Et d’ajouter : « Les objectifs et les délais annoncés (…) semblent irréalistes, tant sur le plan économique que sur la capacité de la filière à s’adapter à ces changements radicaux ».
Les surcoûts de la construction bois « largement sous-évalués »
Outre les doutes émis sur les capacités de la filière bois à répondre à ces nouveaux enjeux, les éventuels surcoûts liés à la construction bois font débat.
La FFB regrette notamment « l’absence de présentation d’une étude technico-économique globale et ne partage pas les 3 à 4 % de surcoûts immédiats annoncés, largement sous-évalués. Le risque d’éviction des ménages les plus modestes est réel », alerte-t-elle.
Son pôle Habitat va plus loin et chiffre ce surcoût : « Concrètement, pour la maison neuve, un Bbio renforcé de 30 % et un traitement du confort d’été, associés à l’obligation de recourir aux pompes à chaleur, engendreront un surcoût de 10 à 15 %, dès 2021 ».
Acheter dans le neuf : un luxe, demain ?
Sur la question du logement collectif, la création de labels d’État présente aussi « le risque d’une surenchère locale au détriment du logement abordable ».
Sur ce point, la Fédération demande une reprise des discussions pour étudier plus finement et de manière transparente les impacts économiques à court et moyen terme.
« Si les orientations annoncées (…) se traduisent effectivement dans les textes réglementaires, acheter dans le neuf deviendra demain un luxe réservé aux plus aisés, sauf à ce que le Gouvernement révise significativement et durablement son soutien au logement neuf ! (…) le Haut Conseil pour le Climat préconise de quadrupler les dispositifs de soutien public à la rénovation énergétique du parc existant. La même logique doit être appliquée pour la construction neuve. Sans cela, la RE 2020 risque malheureusement d’être synonyme de renoncement des ménages modestes à accéder à un logement neuf et d’accélération de la chute d’activité », craint Grégory Monod, Président du Pôle Habitat FFB.
La question explosive du gaz
Reste la question explosive du gaz, système évincé dans la prochaine réglementation environnementale.
« Alors que la RT 2012 prônait l’utilisation du gaz et que des investissements conséquents ont été faits tant pour développer le gaz vert que pour maintenir un réseau de distribution de qualité, cette source d’énergie se trouvera exclue dès 2021 des maisons individuelles neuves, puis de l’ensemble des logements neufs à compter de 2024. Au-delà de l’incohérence de ces choix politiques, il s’agit là de la mort annoncée à terme d’une filière porteuse d’emplois qualifiés, choix d’autant plus désastreux que les équipements concernés s’avèrent majoritairement produits en France », fustige la FFB.
Le gouvernement joue aux « apprentis sorciers »
Pour les professionnels du bâtiment, le contexte économique n’est pas propice à la mise en œuvre d’une politique « qui manque de réalisme ».
« Nous n’avons pas besoin de “jouer aux apprentis sorciers” en cette période de grave crise économique d’une intensité jamais connue, dont les premiers effets seront ressentis dans le BTP l’année prochaine. C’est vouloir mettre de la complexité lors d’une année de reprise économique, en méconnaissant les délais nécessaires pour adapter les filières. Ce sont des dizaines de milliers d’emplois mis en danger inutilement, dans l’industrie et le BTP. »
Seul consensus de la filière : le caractère progressif de la mise en œuvre de la RE2020. Elle fera en trois étapes : en 2024, 2027 et 2030, avec des exigences revues à la hausse à chaque étape.
Photo de Une : © Cyril Richard
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