Rénovation énergétique : pas d’obligation pour les propriétaires occupants

Invité à débattre devant la Convention citoyenne pour le Climat, ce lundi 14 décembre, Emmanuel Macron est revenu sur plusieurs propositions formulées par les citoyens. Parmi elles, la demande de rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040, y compris pour les propriétaires occupants. Une demande écartée, pour le moment, par le Président. Détails.

C’était l’une des mesures phares des 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) : rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040. Y compris pour les particuliers, propriétaires de leur maison individuelle ou de leur appartement. La CCC imaginait alors instaurer un système de malus sur la taxe foncière ou instaurer cette obligation au moment des mutations.

Hier, face aux représentants de la CCC, le Président de la République Emmanuel Macron a toutefois écarté cette proposition. « La rendre obligatoire, c’est faire porter la contrainte sur chaque ménage ». Or, « certains en ont les moyens, d’autres pas », a rappelé le Président. Il estime, en effet, qu’une rénovation complète d’une passoire thermique (logement mal isolé, énergivore…) coûte « entre 50 et 60 000 € », une opération « chère au moment où on la fait » même si elle s’avère « rentable écologiquement et économiquement ».

Une telle mesure, qu’elle porte sur le propriétaire actuel ou le futur propriétaire, réduirait alors « la capacité à avoir une chance de vendre sa maison individuelle », selon le Président. Alors même que certains ménages ont déjà « du mal à vendre leur logement qui valent entre 50 et 150 000 € » lorsqu’ils perdent leur emploi ou sont obligés de déménager pour leur travail.

Des efforts à pérenniser au delà du Plan de Relance

À la place de cette obligation, le Président a rappelé l’importance d’accompagner les ménages pour « ne laisser aucun français sans solution ». Et de préciser que le plan France Relance prévoit déjà 2 milliards d’euros d’investissement entre cette année et l’année prochaine, en plus des 2,5 milliards d’euros de certificats d’économies d’énergie. « Il faudra le pérenniser au-delà du plan France Relance ».

Il a souligné les efforts importants faits pour la simplification des dispositifs d’aides, comme MaPrim’Rénov. Il a également salué l’idée du guichet unique, un service d’accompagnement pour la rénovation énergétique, dont la mise en place a déjà commencé dans certaines régions.

Des efforts jugés insuffisants, notamment par un citoyen, qui estimait le besoin budgétaire à 22 milliards d’euros par an. « On peut dire en dessous de 22 milliards, ça le fait pas (…) mais on parle d’argent public (…), ce n’est pas sérieux d’avoir des propos comme ça », lui a rétorqué Emmanuel Macron. « Le sujet est de savoir s’il y a des artisans qui sont formés (…) pour ces rénovations, (…) qui ont (…) la qualification pour ne pas faire n’importe quoi et de ne pas avoir des chasseurs de prime ». Et d’indiquer « je serais déjà très contents si on faisait 4,5 millions d’euros de travaux de rénovation ».

Le recours à des tiers-financeurs

L’autre piste évoquée par le Président est de recourir à des « tiers-financeurs », tels que la Caisse des dépôts, les réseaux bancaires et d’assurance ou encore les acteurs de l’énergie.

Ces tiers-financeurs seraient ainsi mis à contribution pour financer en partie les opérations de rénovation énergétique. « Les remboursements au tiers financeur seraient équivalents à l’économie d’énergie réalisée », a précisé Emmanuel Macron qui se donne « trois mois pour analyser cette solution » avant d’envisager une autre « mesure coercitive ».

Interdiction de location des passoires thermiques en 2028

Selon le Président, le « bon mécanisme » est d’inscrire en premier, dans la loi, l’obligation pour les propriétaires-bailleurs de rénover leur(s) bien(s) et d’interdire la location des passoires thermiques à l’horizon 2028.

« Ne sous-estimez pas le fait que c’est une mesure révolutionnaire (…) un débat déjà repoussé compte tenu de son impact. On va faire peser sur les propriétaires- bailleurs une condition très forte pour qu’ils puissent continuer à louer, ce n’est pas rien », a tenu à souligner le Président.

Sur les 4,5 millions de passoires thermiques, cela représente « un peu moins de la moitié », estime-t-il. Il reconnait toutefois que la rénovation thermique des logements est « un des sujets sur lequel on a le plus d’impact en termes d’émissions de CO2, un des sujets sur lequel on peut gagner ou perdre la bataille dans notre pays ».

Diviser par 2 l’étalement urbain d’ici une 10e d’années

Sur la question de l’artificialisation des sols et de l’étalement urbain, le Président a estimé que « c’est un mode de vie à la française qu’on vient contrecarrer ». « Pendant des décennies, on a bâti un modèle où la réussite sociale c’était de devenir propriétaire de son logement, souvent un pavillon, et avec le phénomène de métropolisation, d’habiter à 40 voire 60 km de son lieu de travail, (…)», ce qui a engendré de l’étalement urbain.

« Ce qu’on doit réussir à faire collectivement, ce n’est pas de culpabiliser les citoyens mais les amener à se re-projeter dans un autre modèle où on va penser les habitudes et l’organisation de notre espace différemment pour moins émettre et moins polluer ».  

Afin de « revenir sur cette catastrophe française qu’est l’artificialisation des sols », le Président s’est dit « favorable » à inscrire dans la loi, le fait de diviser par deux l’étalement urbain d’ici une dizaine d’années en associant pleinement les collectivités territoriales et les intercommunalités.

Un référendum sur le climat

Pour rappel, la Convention citoyenne pour le Climat est une « expérience démocratique » française. Elle a vocation à donner la parole aux citoyens et citoyennes pour accélérer la lutte contre le changement climatique. 150 personnes ont été tirées au sort pour définir une série de mesures, destinée à atteindre l’objectif d’une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à1990).

Après plus de 8 mois de travail, d’auditions et de débats, les 150 membres de la Convention Citoyenne pour le Climat ont rendu leurs propositions au gouvernement, en juin dernier.

Le Président de la République s’est engagé à ce que ces propositions législatives et réglementaires soient soumises « sans filtre » soit à référendum, soit au vote du parlement, soit à application réglementaire directe.

Emmanuel Macron a d’ailleurs annoncé, à la surprise générale, la tenue d’un référendum, afin « d’introduire les notions de biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique », dans l’article 1 de la Constitution.

Photos : Captures d’écran, Convention citoyenne pour le Climat Lundi 14 décembre © Elysée

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